Ancien camarade de classe…et plus si affinités ? Je me souviens bien du jour où on s’est rencontré, à l’école primaire. Tu étais déjà violent avec tout le monde, tu faisais ta petite loi, cachant au monde que tu étais quelqu’un de réfléchi et intelligent. Et en manque d’une bonne figure paternelle. Cependant ce n’est pas ça qui m’a le plus marqué. Non, je me souviens encore plus du jour (et il y a de quoi) où tu m’as agressé sans raison apparente, alors que je ne t’avais même jamais parlé. C’est peut-être ça d’ailleurs. J’étais le seul à ne pas avoir d’avis sur toi. Certains te trouvaient violent, sadique et cruel, comme ton père et te suivaient pour que tu leur serves d’exemple, et que tu les protèges. D’autres te craignaient et s’applatissaient presque devant toi quand tu passais dans les couloirs. Alors non, je n’ai jamais compris pourquoi MOI, qui ne t’avait jamais rien dit, avait subi ta colère ce jour-là. Pourtant je ne t’en ai jamais voulu : de m’avoir frappé jusqu’à ce que tes phalanges soient rouges, jusqu’à ce que je perde connaissance, de m’avoir ôté la vue pendant 6 longs mois. Mais tu sais quoi ? Ils ont été les plus magnifiques de ma vie. Grâce à ça j’ai pu découvrir mon vrai moi, ma passion pour le chant, mes possibilités…et au fond de moi je savais que c’était toi qui venais à l’hôpital les premières fois. Tu restais là, sans rien dire, de peur qu’on te découvre sûrement…je ne sais pas pourquoi tu venais, mais ça m’a aidé à te pardonner.
On ne s’est plus jamais reparlé, quand l’école s’est terminée nous ne nous sommes plus jamais revus…Il m’arrive souvent de me demander ce que tu es devenu, toi plus qu’un autre. Si tu as trouvé un boulot qui te correspond, quelqu’un qui saura te supporter.
Alors quelle a été ma surprise en te voyant traverser le couloir d’Hikakuen alors que je venais de m’y faire embaucher comme professeur de chant. Je t’ai tout de suite reconnu : ces yeux froids, cet air dur et ce corps voué à l’effort physique. Alors que nous sommes si différents, en te voyant ce jour-là j’ai eu l’impression que je ne t’avais jamais quitté…que nous étions revenus 12 ans plus tôt.